Il s’appelle Klere, il a 13 ans et c’est l’ainé de la bande de gamins qui nous ont suivi jusqu’à la falaise ce matin. Je pensais qu’ils allaient s’arrêter à la rivière, mais non, c’est bien nous qu’ils sont venus voir.
Cela fait plusieurs jours que nous équipons Monsterella, une falaise vierge à une heure de Cebu, Philippines, dans le cadre du projet SPOT.
La communauté locale, une trentaine de grimpeurs pour cette île principale des Philippines, nous avait emmenés vers la falaise plus en hauteur, Manserella. Mais après une dizaine de voies, nous nous sommes tournés vers ce mur déversant à 45 degrés, avec juste assez de tuffas qui dégoulinent pour que ça marche, au bord de la rivière, à 10 minutes du village.
James dans un essai d’un projet dur équipé par Yuji… sans doute 8c+?, devant les gamins du village, bien curieux de ce que nous faisons là.
Le village est assez dur à décrire pour un occidental, et sans doute très typique des Philippines. Un accès par une piste défoncée, des maisonnettes en tôle et bambou, certaines en dures. Toutes ont l’électricité, des enceintes énormes dans l’une d’entre elles pour le karaoké chaque soir, quelques échoppes où nous pouvons nous réapprovisionner en café instantané, boîtes de thon et corn beef, œufs, kulafu (un alcool de riz à 25 degrés, et 50 centimes d’euros la bouteille.) Au centre, de la terre battue et deux paniers de basket ball. Après des jours de va et viens, les habitants commencent à nous connaître, ils savent qu’on est là pour le rocher. Après, grimper aux philippines, c’est un sport naissant tout juste : pas plus de 500 grimpeurs sur les 100 millions de philippins, et moins de 500 voies réparties sur 2000 îles. Bref, « y a du boulot » !
Alors on équipe, avec les moyens du bord. Peu de grimpeurs locaux ont une jumar, une corde c’est déjà bien. Ils ont tout organisé, défrichent, brossent, mais quand il faut ouvrir du bas, on s’y colle, parce que c’est dur, et qu’au moins nous avons le matériel et l’expérience. Mais Miel et Wendel nous regardent, je suis certaine que maintenant, ils sauront le faire aussi. Après une tentative ratée pour pénétrer la jungle sur le coté de la falaise et attendre le sommet par derrière, je me suis lancée, comme James et Yuji, avec mes chaussons et mon sac a pof, mais aussi des coinceurs, des sangles, des crochets, pour équiper du bas. Cela fait maintenant 4 jours que j’essaie de finir la ligne centrale du mur dont j’ai atteint le sommet par une ligne plus facile. Plus qu’à équiper en descendant, je pensais…. Ça, c’était avant de voir les serpents…, et ça n’a pas été sans mal. Mais ça y est c’est fait, la ligne est là, réelle enfin, et elle va sans doute finir dans le 8ème degré. Tant mieux, c’était l’objectif, ouvrir des voies dures pour pousser le niveau vers le haut.
Bravo Miel pour la FA de Doctor Jekyll, 8b !!
Je suis assise sur un caillou, Klere à coté de moi, à contempler tout ce qu’il reste à faire. Klere va sans doute pouvoir essayer l’escalade samedi, nous allons leur mettre une moulinette dans un 6b. Dur ? je ne crois pas, ils sont incroyablement agiles, ces mômes de la campagne. Klere parle anglais, alors que son petit frère de 6 ans ne parle encore que le Visaya, une langue locale. Je lui demande comment c’est l’école, il me dit qu’il y va à pied, 3 km. Il aime ça. Je lui dis : « You have to work well, school, it’s very important ! ».
Parce que là, l’escalade, ça ne me paraît pas si important… L’école, peut être, s’il est doué, s’il s’applique, ce sera sa petite chance…
J’aime beaucoup cette photo prise par Miel.